Discours de M. Soret :
Discours prononcé le samedi 14 février 2009 à KILIBO (Bénin)
Monsieur le Maire de Ouessé,
Monsieur le chef d’arrondissement de Kilibo,
Votre majesté, Balley de Kilibo,
Monsieur le Président de l’association de développement de Kilibo, Cher Moïse,
Mesdames et Messieurs, Chers habitants de Kilibo,
Chers amis, EKALE !
Merci beaucoup pour cet accueil ! Je dois vous dire que c’est avec une immense émotion que je m’adresse à vous aujourd’hui, au nom de Bernard MORAINE, le Maire de Joigny. Une émotion emplie d’honneur et de fierté pour l’accueil que vous nous avez réservé.
Le partenariat Joigny-Kilibo, c’est avant tout l’histoire d’une aventure humaine. Et l’émotion qui m’emplit à cet instant, j’aurais aimé la partager avec deux personnes auxquelles je pense immédiatement. Deux personnes qui, il y a presque 15 ans, ont fait le choix de donner de leur temps, de leur énergie, de leur travail, de leur intelligence pour mettre en œuvre leurs valeurs partagées de solidarité et de justice. Deux personnes qui, se rencontrant au sein du collège Marie Noël, ont décidé de créer ce partenariat entre Joigny et Kilibo. Deux personnes dont le plus grand des talents a été d’entraîner dans leur sillage de nombreux bénévoles, aujourd’hui réunis au sein de l’association Joigny-Baobab pour que vive ce partenariat. Ces deux personnes, ce sont Thérèse BRAYOTEL, « Maman Kilibo » selon le petit nom affectueux qu’on lui donne ici, et Jonas GABA, qui est un enfant de votre village.
Jonas était enseignant de physique au collège Marie Noël de Joigny. Je connais Jonas depuis de nombreuses années. Et, à l’instant présent, à l’instant même où je m’exprime devant ses frères, j’ai une pensée appuyée pour Jonas. Je repense à toutes ces longues discussions que nous avons eues, au cours desquelles il me parlait du « plus beau pays du monde ». Car Jonas Gaba ne cite jamais le nom de son pays, et ne le désigne que par ce qualificatif de « plus beau pays du monde ». Et si jamais un imprudent s’aventure à lui demander « mais de quel pays parles-tu ? », il est très vite tancé d’ignorance : le Bénin, bien-sûr !
Mais je n’oublie pas aussi que si Thérèse et Jonas, rejoints par de nombreux autres, ont réussi à porter depuis bientôt 15 ans ce partenariat, c’est parce qu’ils ont pu trouver, ici, de solides et brillants appuis. Je souhaite remercier, pour tout le travail qu’ils abattent, Moïse et Jean Atchadé, responsables d’IREKPO, Samuel Alamou et Séraphin DOSSOMOU, véritable cheville ouvrière de nos échanges, indéfectible pilier de notre partenariat. Bravo à eux ! Qu’ils soient remerciés pour leur constance et leur sympathie.
Le partenariat Joigny-Kilibo, c’est aussi l’histoire de nombreux succès. Je ne reviendrai pas sur les propos du directeur du collège d’enseignement général de Kilibo qui a repris avec acuité l’ensemble des réalisations depuis 1995. Mais je soulignerai la qualité de ce partenariat qui aura permis la construction et l’équipement d’un beau laboratoire de physique-chimie et de sciences naturelles au sein du collège, l’équipement en livres de votre bibliothèque, le cofinancement de la construction et de l’équipement de la salle polyvalente, la mise en place d’un système de parrainage qui, grâce à des habitants du grand Jovinien récemment rejoints par des Béninois, permet à des étudiants méritants de Kilibo, titulaires de leur baccalauréat, de s’engager dans des études supérieures coûteuses. Les projets ne manquent d’ailleurs pas : le CEG pourra bientôt disposer d’une cyber-base et j’irai demain visiter le projet « jardins » dont on m’a déjà dit tout le bénéfice qu’il apporte à la population.
C’est fort de ces relations, fort de ces réalisations, comme une consécration du travail qui a été accompli des deux côtés de la Méditerranée depuis 15 ans, que Bernard Moraine, le Maire de Joigny, a demandé à Miren Mativet-Kerbrat, son adjointe déléguée au jumelage, entourée de quelques élus, de réfléchir à l’idée d’un jumelage entre Joigny et Kilibo. C’est en son nom, aujourd’hui, en marge d’un déplacement professionnel qui m’amenait au Bénin, que je suis venu discuter avec vos élus de l’éventualité de ce rapprochement.
Joigny a déjà tissé des liens privilégiés avec quelques villes de par le vaste monde. Joigny est en effet jumelée avec des villes des Etats-Unis, d’Angleterre, d’Allemagne et d’Italie. Des pays du Nord, à culture occidentale. Le jumelage avec Kilibo, s’il aboutit, ne ressemblera à aucun autre.
Nous vous proposons un accord gagnant-gagnant, loin des abus inqualifiables qui ont émaillé les relations franco-africaines dans les décennies passées. Un accord qui ne soit ni tutelle, ni assistanat, mais un véritable accord de co-developpement.
Vous savez, à 28 ans, j’appartiens à une nouvelle génération d’élus. Une génération qui n’a connu ni la colonisation ni la décolonisation. Une génération qui, par contre, a grandi dans la construction de l’Union Européenne et qui au plus profond d’elle-même est convaincue de la nécessité du rapprochement entre les Etats, entre les peuples.
Alors, si je sais, si je n’oublie pas tout ce que la France doit à l’Afrique, une part de sa liberté, une part de ses richesses, vous accepterez que je ne verse ici ni dans la culpabilité ni dans le repentir. Car ce que je veux vous proposer, c’est que Joigny et Kilibo de tournent vers l’avenir pour construire un futur commun.
L’accord doit être gagnant pour nos deux parties, comme le sont tous les jumelages que Joigny a contractés. Et vous avez tant à nous apprendre !
Au cours de ma dernière lecture, j’ai relevé cette phrase « Ils ont échoué, car ils n’avaient pas commencé par le rêve ». Mon rêve à moi, c’est qu’aucun jeune Jovinien ne puisse grandir sans la connaissance qu’il y a, ailleurs sur sa planète, des hommes et des femmes qui vivent différemment, des hommes et des femmes qui ont leur culture, leur histoire, leur tradition, leurs organisations sociales, leurs bonheurs et leurs difficultés. Et c’est à ce titre que nul ne revient indemne d’un voyage sur votre continent : cette richesse humaine, spirituelle, ces liens sociaux, cette solidarité quotidienne, ce rapport au temps, à la nature, aux autres, tout cela laisse à réfléchir à quiconque a été pétri des valeurs du monde occidental. Et nul ne peut revenir d’un voyage Africain sans se demander où, finalement, est réellement l’essentiel.
A Joigny, dans notre équipe, nous avons une conviction : c’est en acceptant l’autre dans ses différences, c’est en faisant cet apprentissage de l’altérité que l’on fait grandir les âmes et évoluer les Hommes. Connaître l’autre dans sa différence, c’est le respecter et c’est construire la paix. Le racisme est fait d’ignorance et c’est l’ignorance qui créé les peurs, les fantasmes et qui pousse au repli. Mais, inversement, accepter l’autre dans sa différence est un combat, un combat quotidien qui mérite d’être mené et que nous avons décidé de mener à Joigny. « La différence est notre richesse » comme le proclamait récemment une exposition photographique consacrée aux habitants de Joigny.
Cet accord de jumelage doit aussi être gagnant pour Kilibo. Le sentiment que nous partageons, à Joigny, est que notre partenariat doit, dans la mesure de nos moyens, permettre aux habitants de Kilibo d’accéder aux droits fondamentaux. Dans les discussions que nous aurons tout à l’heure avec vos autorités, je proposerai donc quatre axes de travail à notre jumelage :
– la santé. Le droit à l’accès aux premiers soins est le premier des droits fondamentaux sur lequel nous souhaitons travailler avec vous.
– l’éducation. J’ai été heureux d’apprendre que l’école maternelle, élémentaire et primaire avait été rendue gratuite au Bénin il y a deux ans. Espérons qu’elle soit rendue un jour obligatoire, ce que j’ai eu l’occasion de dire à Monsieur le Ministre de l’Education vendredi soir.
Avec Bernard Moraine, nous accordons la même priorité à l’éducation. Chaque enfant que l’on éduque est un Homme que l’on construit. L’éducation est synonyme d’émancipation, qui est synonyme de liberté. Il n’y a pas de hasard à ce que Thérèse Brayotel et Jonas Gaba aient avant tout consacré leurs efforts à permettre de créer les conditions d’un meilleur enseignement à Kilibo. Et nous sommes résignés à appuyer cette démarche. Mais, au delà, le deuxième enjeu qui vous attend, est de faire en sorte que vos populations, formées et qualifiées, permettent une amélioration plus globale de la situation du pays.
Nous avons eu cette discussion avec Jonas, Moïse, Jean, Samuel et d’autres : je suis un opposant farouche à la politique d’immigration sélective, telle qu’elle est mise en place par un certain nombre de pays européens. Le Bénin ne peut dégager de nouveaux moyens pour investir dans l’intelligence humaine et voir ses élites partir, ses ingénieurs, ses professeurs et ses médecins happés par les pays occidentaux, eux-mêmes incapables de dégager suffisamment de moyens pour former suffisamment de soignants, par exemple.
– troisième axe sur lequel nous souhaitons œuvrer : l’agriculture. J’avoue que je suis un peu triste d’apprendre que dans cette région, il est moins cher d’importer du riz du Nigéria voisin que de le produire localement. Unissez-vous, regroupez-vous ! Formez une coopérative d’exploitants, ici, à Kilibo ! Pour vous y aider, je prends l’engagement de solliciter l’aide des jeunes agriculteurs de l’Yonne, notre département français. Il est surement possible de vous apporter une aide double : une aide en ingénierie et une aide matérielle.
Par ailleurs, là aussi, je connais vos besoins de formations pour qualifier des jeunes travailleurs aux métiers de la terre. Permettre aux familles de se nourrir, d’abord, et de vivre, ensuite, de l’agriculture est aussi une façon de fixer les populations sur leurs territoires et d’enrayer un exode rural qui surpeuple les villes sans possibilité de plein intégration du flux incessant des nouveaux arrivants.
– quatrième et dernier axe sur lequel nous souhaitons œuvrer et qui est tout à la fois un souhait émis par Bernard Moraine et surtout par notre adjointe Miren Mativet-Kerbrat : le droit des femmes. Je sais aussi que Thérèse Brayotel, Sylvie Chevallier et d’autres Joviniennes de Joigny Baobab y sont attentives. En France, nous n’avons, là encore, aucune leçon à donner : le droit de vote des femmes françaises a été acquis plus d’un siècle après celui des hommes et il a fallu une loi, il y a dix ans, pour assurer l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives. Et il reste encore du chemin… Pour autant, nous souhaitons que sur chacun des trois premiers axes (santé, éducation, agriculture), la place des femmes ne soit pas oubliée – conditions de soins et d’accouchement, égal accès à l’éducation et à la formation professionnelle…
Voici, Monsieur le Maire, Monsieur le chef d’arrondissement, Votre Majesté, chers amis, les pistes de travail que je vous soumets au nom de Bernard Moraine pour construire un jumelage entre nos deux villes.
En ce jour de célébration de l’amour, en cette Saint-Valentin, je vous adresse à nouveau, Mesdames et Messieurs, du fond du cœur, mes chaleureux remerciements pour ce magnifique accueil.
Vive Kilibo !
Vive Joigny !
Et longue vie à notre partenariat !
Nicolas SORET
Président de la Communauté de Communes du Jovinien
Maire-adjoint de Joigny.